Laurier rose (Nerium oleander L.)

APOCYNACEES
Voir Digitale pourpre
Photos Laurier-rose
Bibliographie : [2, 6, 11, 16, 19, 24, 26, 27, 33]

Noms vernaculaires :
  Oléandre, nérier, nérier à feuilles de laurier, nérion, nérion laurier-rose,
laurose, laurelle, rosage, canne de Saint-Joseph, rhododendron de Pline,
belladona (Corse).
  Nom anglais : oleander, common pink oleander.

Description botanique
:
  Le laurier rose est un arbrisseau dressé atteignant 2 à 4 m de hauteur. Ses
racines sont blanchâtres et contiennent un suc laiteux peu abondant et très astringent.
  Le bois contient également du suc amer, laiteux ou translucide, en grande quantité.
  Les
feuilles, persistantes, sont opposées ou verticillées par trois. Elles
sont lancéolées et mesurent jusqu’à 15 cm de long pour 2,5 cm de large en moyenne.
Ce sont des feuilles vert mat coriaces dont les nervures secondaires sont
pennées, très nombreuses et serrées.
  Les
fleurs, roses le plus souvent, sont disposées en corymbes terminaux. La
corolle, mesurant 4 à 5 cm de diamètre, s’évase en cinq lobes étalés (fleur à cinq pétales
soudés à la base).
  Le fruit brun rougeâtre comporte deux follicules allongés, soudés jusqu’au début de la
déhiscence. Il mesure 10 à 12 cm de long pour 1 cm de large environ. Il
contient une centaine de petites graines duveteuses, surmontées d’une aigrette sessile qui
facilite la dispersion par voie aérienne.

Biotope :
  Cette plante croît spontanément en région méditerranéenne sur les berges rocailleuses
et parfois même dans les zones littorales. Elle aime l’humidité et les sols profonds
et bien drainés. Son adaptation à la sécheresse et son caractère très décoratif en font
une plante fréquemment plantée dans les régions au climat méditerranéen ou subtropical. Si elle est abritée
l’hiver sous serre, on peut même la faire pousser dans des régions plus septentrionales. On en retrouve
de nombreuses variétés dans les jardins.

Période de floraison :
  Le laurier rose fleurit de juin à septembre.

Biologie :
  Il existe de nombreuses variétés ornementales de laurier rose dont la couleur des
fleurs peut aller du rouge sombre au blanc, en passant par l’orange, le jaune, etc. Les
fleurs dégagent une odeur douceâtre à l’état frais et sont peu odorantes une fois séchées.

Parties toxiques de la plante :
Toutes les parties de la plante sont toxiques et contiennent des hétérosides en
proportions variables. La teneur en hétérosides est maximale au moment de la
floraison et décroît sensiblement à l’automne. Les feuilles, les fleurs et les graines sont
plus riches en hétérosides que les racines ou l’écorce. Les variétés à fleurs rouges
contiennent des teneurs plus élevées en hétérosides que les variétés à fleurs blanches.
  La dessiccation ou le gel ne modifient pas la toxicité. Il semblerait que
l’application d’un herbicide tel que l’acide 2,4-dichlorophénoxyacétique (2,4-D) augmente la
concentration en hétérosides dans la plante.

Principes toxiques :
  On y trouve des hétérosides cardiotoniques et cardiotoxiques voisins des hétérosides
digitaliques :
- Oléandroside ou oléandrine
- Nérioside
- Nérianthoside ou nériantine
- Rosaginoside dans l’écorce
- Et de nombreux autres…
  On trouve également des saponines qui ont un effet irritant sur les muqueuses.

Mode d’action :
Voir la monographie de la digitale pourpre.

Pharmacocinétique :
  L’oléandrine est absorbée au niveau de l’estomac et se fixe sur les protéines
plasmatiques (forte affinité pour l’albumine). Elle est métabolisée au niveau hépatique et il
existe un cycle entéro-hépatique important. L’élimination se fait principalement dans les
urines mais aussi au niveau des fèces.

Dose toxique :
- 30 à 60 g de feuilles fraîches seraient potentiellement mortelles pour les bovins
adultes (0,005% du poids vif)
- 4 à 8 g de feuilles seraient potentiellement mortelles pour les petits ruminants
(0,15% du poids vif).

Circonstances d’intoxication :
  Les appels concernant le laurier rose représentent 1,1% des appels de toxicologie
végétale pour les ruminants (0,6% des appels pour les bovins, 1,7% pour les ovins et 2,5% pour
les caprins).


Graph.63. Répartition des appels concernant le laurier rose par espèce (données du CNITV : 40 appels)

  Les herbivores sont relativement exposés à cette intoxication. Elle concerne
aussi bien les bovins, que les ovins ou les caprins (sur les 40 appels concernant le laurier rose
chez les ruminants, 42% impliquent les bovins, 32% les ovins et 27% les caprins).
  L’intoxication survient par consommation de branches sur l’arbre ou au sol après la
taille des haies. Les feuilles fraîches, amères et dures, seraient peu appétentes
alors que les feuilles sèches ou ayant subit une gelée constitueraient un risque majeur.
L’appétence des feuilles est également augmentée par les traitements
herbicides. On peut aussi constater des intoxications par consommation d’eau dans
laquelle les feuilles, les fleurs ou le bois ont macéré. L’existence d’un cas
d’intoxication au laurier rose chez un veau dont la mère en avait consommé fait suspecter une
possibilité de toxicité de relai par le lait contaminé.


Graph.64. Répartition annuelle des appels concernant le laurier rose (données du CNITV : 40 appels)

  Les appels au CNITV sont répartis sur toute l’année pour cette plante, avec une légère
augmentation des appels au printemps et à l’automne.

Signes cliniques :
  Les signes cliniques apparaissent dans les heures qui suivent l’ingestion :
- Signes généraux : prostration, hypersudation, hypothermie
- Signes digestifs précoces : coliques, diarrhée parfois hémorragique, ténesme,
ptyalisme, inrumination, anorexie, tentatives de vomissement
- Signes nerveux plus tardifs : ataxie puis trémulations musculaires voire
convulsions tono-cloniques, coma en phase terminale
- Signes oculaires : mydriase
- Signes urinaires : polyurie
- Signes respiratoires : dyspnée, paralysie des muscles respiratoires
- Signes cardiaques (ce sont les plus tardifs) : bradycardie sinusale, arythmie,
parfois tachycardie, fibrillation, hypotension, pâleur des muqueuses, extrémités
froides, pouls rapide et filant, arrêt cardiaque possible.


Graph.65. Signes cliniques et lésions rapportés lors des appels au CNITV concernant le laurier rose
(n=40)

  Les signes digestifs constituent la majeure partie du tableau clinique rapporté lors des
appels au CNITV avec de la diarrhée dans 22,5% des cas, des coliques dans 15% des cas et du
météorisme et des régurgitations dans 10% des cas. Une prostration est signalée au CNITV
dans 22,5% des cas. Enfin, un décubitus et de l’ataxie sont rapportés dans 15% des cas.

Signes paracliniques :
  Si on réalise des analyses hématologiques et biochimiques, on pourra noter une
hémoconcentration, une hyperkaliémie, une hyponatrémie, une hypochlorémie, une
hypocalcémie, une urémie et une créatininémie augmentées, une élévation des LDH (Lactate
DésHydrogénase) et des CPK (Créatine PhosphoKinase), une diminution des protéines totales
et de l’albuminémie.

Evolution :
Les troubles peuvent persister plusieurs jours et l’issue la plus fréquente est la mort
qui survient souvent dans les premières 24 heures. Si les animaux survivent, ils
peuvent présenter des troubles durant 6 à 8 jours. Des cas de mort subite sont
fréquemment signalés au CNITV (25% des cas).

Lésions :
Les lésions ne sont pas spécifiques. On observe :
- Une congestion généralisée
- Une gastro-entérite (catarrhale ou hémorragique) le plus souvent
- Une dégénérescence hépatique et rénale
- Des pétéchies ou des hémorragies sur les muqueuses digestives, le coeur, la
vésicule biliaire, les méninges ou les séreuses
- Une congestion splénique
- Parfois la présence de liquide séro-hémorragique dans les cavités abdominale ou
thoracique.

Diagnostic différentiel :
  Il faudra considérer les intoxications par consommation d’autres plantes contenant des
hétérosides digitaliques, l’intoxication par l’’if (mort subite), par les plantes contenant des
oxalates (pas de signes cardiovasculaires et insuffisance rénale en fin d’évolution) ou des
hétérosides cyanogénétiques (signes respiratoires et pas de signes digestifs en général).

Diagnostic expérimental :
  On peut réaliser une identification phyto-histologique des fragments végétaux
présents dans le contenu ruminal. La chromatographie ou le test radio-immunologique
sur des échantillons de contenu digestif, de plasma ou d’urine peuvent également être utilisés
mais ils nécessitent une recherche orientée et présentent un coût plus important.

Traitement :
  Avant apparition des signes cliniques, on pourra proposer une ruminotomie d’urgence
avec vidange méticuleuse du rumen et lavage puis réensemencement avec du jus de rumen
provenant d’un animal non intoxiqué.
  Le traitement médical est symptomatique :
- Charbon végétal activé pendant plusieurs jours (tant que les symptômes
persistent) du fait de l’existence d’un cycle entéro-hépatique
- Pansements digestifs pour lutter contre la diarrhée. Les
antispasmodiques sont à proscrire car ils diminuent le transit et donc l’élimination
du toxique.
- Perfusion (ringer lactate ou mannitol, ne pas utiliser de solutés calciques) et
correction de la kaliémie si besoin
- Diurétiques : ils améliorent peu ou pas l’élimination urinaire des hétérosides
cardiotoniques, on peut utiliser du furosémide pour ses propriétés
hypokaliémiantes tout en contrôlant l’ionogramme
- Diazépam (VALIUM®) ou barbituriques ou xylazine si besoin
- Traitement des troubles cardiaques : atropine (0,05 mg/kg) ou glycopyrrolate (0,1
mg/kg, ROBiNUL
®) en cas de bradycardie
- Anti-arythmiques si besoin (aprindine, diphénylhydantoïne)
- Analeptiques cardio-respiratoires : doxapram, heptaminol, caféine.
  Le traitement spécifique de l’intoxication par les hétérosides digitaliques (EDTA
dipotassique, fragments d’anticorps anti-digoxine ou fructose-1,6-diphosphate) n’est pas
disponible en pratique courante (le traitement à l’EDTA a été abandonné à cause de ses
effets secondaires, le traitement à base de fragments d’anticorps anti-digoxine est très
onéreux et réservé à la pratique hospitalière humaine et celui à base de fructose-1,6-
diphosphate est expérimental).

Pronostic :
  Il est en général sombre mais peut être amélioré si la quantité ingérée est faible et le
traitement mis en place précocement.
  D’après les données du CNITV, le taux de morbidité atteint 96% chez les bovins (sur
48 bovins exposés), 33% chez les ovins (sur 43 ovins exposés) et 79% chez les caprins (sur 14
caprins exposés). Le taux de mortalité s’élève à 40% chez les bovins, 2% chez les ovins et
14% chez les caprins. Le taux de létalité atteint quant à lui 41% chez les bovins, 7% chez les
ovins et 18% chez les caprins.

Utilisations pharmaceutiques :
  On retrouve l’utilisation de teinture mère de laurier rose et de rutoside dans des
préparations homéopathiques indiquées dans le traitement de l’asthénie intellectuelle avec
ralentissement mental, tristesse et irritabilité.
  L’oléandrine a été utilisée comme principe actif d’un médicament nommé NERIOL
®
(laboratoires Nativelle) commercialisé en France de 1960 à 1968 pour le traitement des
insuffisances cardiaques et des défaillances cardiaques dues au dysfonctionnement des valves
mitrales sur des patients réfractaires aux autres cardiotoniques. On utilisait alors les
propriétés cardiotoniques et diurétiques de l’oléandrine (comprimés à 0,2 mg). Les effets
secondaires étaient digestifs (nausée, vomissements, diarrhée) et nerveux (vertiges). Ils
étaient atténués par le fractionnement des prises.
  Des études sur les propriétés antimitotiques des hétérosides du laurier rose sont
actuellement en cours (utilité dans les traitements anticancéreux).